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journal sous l'auto-contrainte.
18 septembre 2009

Vendredi : j'oublie mon sac chez Pierre.

    Quand le réveil sonna, il eut la désagréable sensation qu’il s’était couché 20 minutes plus tôt…Finalement, ce n’était pas si loin de la réalité. Il resta de longues minutes assis sur son lit, la couverture tirée sur ses grandes jambes maigres et poilues. Il sentait le drap tomber peu à peu le long de ses mollets au fur et à mesure que Joël Collado énumérait la longue liste de départements en vigilance orange pour ce jour orageux. La bouche pâteuse, il sentait une langue de plâtre lui fondre entre les dents, tandis que de grosses bulles d’air se formaient au fond de son ventre. Il n’osa pas ouvrir la bouche par peur d’être choqué par sa propre haleine.

     C’était un lendemain de cuite comme il avait connu, et comme il en connaîtrait encore, assez fort pour faire tourner la tête mais pas suffisamment violent pour rester cloué au lit.

Au bout de quelques instants, il décida qu’il fallait prendre quelque chose, il se souvint alors avoir des cachets d’aspirine dans son sac à dos. D’un rapide regard circulaire il scruta sa chambre, mais entre les sous vêtements de la veille, les paquets de chips éventrés et les magazines de jeux vidéos, il n’y avait rien. Il trouva son manteau, il avait l’habitude de poser son sac à côté, il se leva pour regarder sous son lit, derrière, dans le placard, mais il ne trouva rien.

Soudain la voix de son colocataire lui revint à l’esprit, hier, en route, alors qu’ils titubaient dans le froid de novembre, sur les pavés mouillés, il s’était rendu compte qu’il avait oublié son sac.

« Ho t’iras le rechercher demain chez Pierre… »

        Ce fameux Pierre, plutôt sympa, et très bon cuistot, mais dont il ne se souvenait pas avoir le numéro de téléphone. Pendant qu’il consultait son portable pour chercher le numéro de celui qui hébergeait son sac à dos, le téléphone s’éteignit. Machinalement il ouvrit le tiroir de la table de nuit pour chercher le câble de chargement qui ne s’y trouvait pas. Il pressa nerveusement les sourcils entre le pouce et le majeur dans un grognement silencieux… Le câble était au fond du sac à dos, chez Pierre.

        En fixant son regard vaseux dans la glace de la salle de bain, il tenta de refaire mentalement le chemin pour aller chez Pierre, cela lui revenait petit à petit, et heureusement ce n’était pas trop loin, il suffirait juste de penser à prendre un parapluie car la pluie fouettait les vitres.

Il traîna les pieds jusqu’au placard pour choisir ses habits, et fouilla dans son ancien pantalon pour prendre sa monnaie et les clefs de l’appartement.

« putainnnn… » Chuinta t’il. Elles n’étaient pas dans ses poches. Hier, comme le canapé de Pierre était profond, excédé de devoir les ramasser constamment, et par peur de les oublier il les avaient mises dans son sac, avec le câble. Il alla prévenir son colocataire qu’il partait sans fermer la porte. Mais le lit était vide, fraîchement défait, et la porte était close, la serrure était  encore chaude.

       Il se laissa tomber sur une des chaises de la cuisine alors que son ventre émettait des sons qui évoquaient aussi bien la faim que le mauvais état des boyaux… Il était enfermé chez lui, sans moyen de contacter qui que ce soit avec un mal de crâne et sans autre remède dans la pharmacie que du synthol® et de la biafine®… Il songea à un moment retourner au lit, mais il était maintenant trop énervé pour se permettre d’être fatigué. Il fixa bêtement la fenêtre de la cuisine pendant quelques instants, s’imaginant sauter sur le trottoir pour aller s’écraser 3 étages plus bas, l’idée même de ses pieds rentrant dans ses chevilles le fit trembler ce qui accentua son mal de crâne. Quand il entendit les 4 bips de la radio qui indiquaient 10heures, il se rappela que sur son agenda c’était l’heure à laquelle il devait arriver à sa réunion, la dernière ou il pouvait faire ses preuves. Il respira de plus en plus vite et de plus en plus fort puis s’immobilisa sur sa chaise, croyant ne plus sentir son cœur.

        Il eut beau faire toutes les poches de son manteau, il ne trouva pas sa ventoline®, qui était avec les cachets d’aspirine. A peine eut il compris la chose qu’il respira avec plus de difficultés, sentant un sifflement sournois et plaintif dans la gorge, le moindre geste l’épuisait davantage. Les bras ballants il n’osa pas prendre de grande respiration de peur de tout bloquer définitivement. Allongé par terre pour sentir le frais du carrelage lui rentrer dans les poumons, il attend. Il attend une idée. Il attend que s’ouvre la porte, que quelqu’un sonne, que sa respiration reprenne son rythme.

        Il attend, au lieu de se souvenir qu’hier, sur un coup de tête, il est retourné chez Pierre, et qu’à cause de la pluie battante qui l’avait détrempé; dans la buanderie, à côté du chauffe-eau; le sac a séché toute la nuit.

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